Morton Feldman

Morton Feldman

Compositeur américain né le 12 janvier 1926 à New York, mort le 3 septembre 1987 à Buffalo.

“Ce que les formes de la musique occidentale sont devenues est une paraphrase de la mémoire. Mais la mémoire pourrait opérer aussi bien par d’autres moyens. Dans Triadic Memories une de mes nouvelles pièces pour piano, (composée juste après Patterns in a Chromatic Field) il y a une section de différents types d’accords où chacun est lentement répété. Un accord devrait être répété trois fois, une autre sept ou huit fois – cela dépendait de mon sentiment sur ce que cela devait durer. Aussitôt parvenu à un nouvel accord, j’oubliais l’accord répété précédemment. Puis, j’ai reconstruit la section entière, réarrangeant sa précédente progression et changeant le nombre de répétitions d’un accord donné. Cette manière de travailler était une tentative consciente de “formaliser” la désorientation de la mémoire. Les accords sont entendus répétés sans aucun motif discernable. Dans cette régularité (même s’il y a de légères gradations de tempo), il y a une suggestion: ce que nous entendons est fonctionnel et directionnel: cependant nous nous rendons bientôt compte que c’est une illusion, un peu comme marcher dans les rues de Berlin, où tous les bâtiments semblent semblables, même s’ils ne le sont pas.

Le son était et est toujours le protagoniste principal de mon travail. Je crois que je me mets au service de mes sons, que je les écoute, que je fais ce qu’eux me disent, et non pas ce que moi je leur dis. C’est que je leur dois ma vie, vous comprenez ? Ils m’ont procuré une vie.”

Donc, je travaille essentiellement avec trois notes. Bien sûr, on doit utiliser les autres notes. Mais les autres notes sont comme les ombres des notes de base. Par conséquent, tout ce qu’il me faut décider, c’est sur quelles notes chromatiques je vais commencer. Au bout de quelques années, j’ai rajouté une quatrième note. (…) Vous pouvez faire deux choses en musique: soit vous vous engagez dans la variation, ce qui signifie en termes simples que vous variez la musique, soit vous êtes dans la répétition. (…) Je m’intéresse à présent à un type de musique où elle particulièrement discrète: j’aurai la même chose qui revient mais je lui rajouterais juste une note. Ou bien, je la fais revenir et j’enlève deux notes. Et je varierais les notes et garderais la pulsation, mais très subtilement. (…) en d’autres termes, je ne crée pas de la musique: elle est déjà là et e suis en conversation avec mon matériau, vous voyez ?

La raison pour laquelle ma musique est notée est que je voulais garder le contrôle du silence. En fait, lorsque vous écoutez, vous n’avez pas idée à quel point c’est rythmiquement compliqué sur le papier. Cela flotte. Sur le papier, cela apparaît comme si c’était du rythme. Ce n’est pas le cas. C’est de la durée.”

Morton feldman, “Ecrits et Paroles”. Jean-Yves Bosseur, Danielle Cohen-Levinas (textes réunis par). L’Harmattan, 2008

Discographie

© François Lacour